Mercredi.
Le vent est tombé pendant la nuit, mais a déjà repris ce matin quand nous quittons le camping de Barfleur. Avant de quitter la ville nous achetons d'abord une baguette « parisse » en prévision du repas de ce midi, puis nous arrêtons à un banc sans aucune vue pour notre petit déjeuner à base de cake anglais et de jus de fruits. Pas de vue, mais un avantage indéniable : ce banc est situé derrière le mur du cimetière, et donc abrité du vent.
Une fois rassasiés, nous voici vraiment partis : nous rejoignons en quelques km la vélomaritime, nous voici maintenant sur une route officielle - plus besoin de GPS ou presque. Sauf que toute véloroute a ses avantages - elle est bien fléchée - mais aussi ses inconvénients - elle fait des détours pour éviter là une route trop passante, là un centre ville, ou au contraire pour nous faire prendre 200 m de piste dédiée, ou admirer une villa ou un lieu qu'il faudrait trouver buccolique. Bref, le tracé nous amène voir la mer à Landemer, c'est bien, mais ensuite il a rapidement tendance à nous ralonger la route pour rien. Plutôt que de faire des zig zags, nous raccourcissons et taillons tout droit vers l'embouchure de la Saire - ah ah, là voilà donc cette rivière : nous avons croisé de nombreux panneaux indiquant cette route touristique du « Val de Saire ».

Ensuite, nous sommes un peu déconcertés : le tracé s'éloigne de la route passante pour nous envoyer promener dans la campagne, très bien, puis à l'approche de Saint-Vaast-la-Hougue ce sont des voies vélos enherbées qui n'ont rien de roulant. Nous lâchons l'affaire et envisageons un second détour par la cambrousse, avant de rejoindre une voie vélo qui achève de nous faire éviter la petite ville, que pourtant nous aurions aimé visiter... Histoire au moins d'avoir une vue sur l'île de Tatihou, et les fortifications Vauban. Une prochaine fois peut-être.
Après un passage peu plaisant entre Saint-Vaast et Quettehou, qui consiste en une piste cyclable sur trottoir le long d'une voie passante, nous voilà réenvoyés vers la campagne. Sauf que cette fois-ci, ça grimpe ! Difficile de savoir pourquoi le tracé passe par là, ... si ce n'est pour éviter la départementale ? Nous redescendons quelques km plus loin droit vers la mer, avec l'impression d'avoir parcouru des km inutiles et fatiguants. Le vent souffle toujours très fort, et c'est particulièrement sensible maintenant que nous longeons la côte. Nous faisons une halte déjeuner au hâvre de Quinéville, heureusement là aussi nous trouvons une table relativement abritée derrière un mur...
Le soleil brille aussi fort que le vent souffle. Juste après Quineville, nous luttons pour avancer avec un vent de côté qui vient de la mer, alors que nous longeons un golf sur notre droite. Nous imaginons sans mal qu'ils doivent se dire « quelle idée de faire du vélo par ce vent ! » alors que nous pensons « quelle idée de faire du golf par ce vent ! la trajectoire de la balle doit être déviée ! ». Deux mondes qui ne peuvent pas se comprendre, assurément ...
Suite à quoi, nous entrons dans les terres, ouf, cela diminue fortement l'emprise au vent et nous éloigne rapidement des pires raffales. Nous passons sans l'avoir trop cherché près de deux batteries d'artilleries allemandes : bunkers et canons. Plus loin, nous croisons aussi un tracteur qui balance du lisier de porc... quelle infâmie ! Il en a foutu partout sur la route, et nous voilà condamnés à rouler dans la merde et à respirer l'odeur pestilentielle sur plusieurs centaines de mètres !

Nous quittons ensuite le tracé officiel de la Vélomaritime pour visiter Sainte-Mère l'Église et son parachutiste accroché au clocher. Notre première impression est la déception : c'est d'un kitch ! Et ce parking immense au milieu de la place qui aurait pu être mignonne, avec ses boutiques (très touristiques) et ses restos... Complètement foireux. On prend notre pause goûter, et on s'arrache de là. Objectif : Sainte-Marie de la Mer. Sauf que le tracé hors vélomaritime n'est pas une réussite : d'abord, un tronçon de chemin a été privatisé par une ferme, et nous devons faire demi-tour. Ensuite, autre tronçon du chemin suivant s'avère encore très humide - en fait, extrêmement boueux. Même si nous passons pied à terre pour éviter toute catastrophe, les roues s'enfoncent dans la gadoue et se chargent de boue : les freins sont gorgés de glaise, et les garde-boue ont... gardé la boue. Splendide. Désormais, les vélos roulent avec un bruit de chuintement : le bruit de la boue qui frotte... faut-il préciser que ça avance aussi beaucoup moins bien ?!? Nous arrivons malgré tout au village suivant, qui est beaucoup moins touristique, mais qui ne présente pas plus d'intérêt.
Nous repartons alors droit vers la mer, pour rejoindre Utah Beach. Et là, c'est le drame : le vent est toujours très fort, et cette fois-ci, nous l'avons de face ! C'est la lutte... Les km semblent interminables, d'autant plus que la journée a été plannifiée plutôt longue. Arrivés enfin à la plage, rien n'est prévu pour ceux qui seraient venus en vélo. Au moment d'attacher les vélos, voilà qu'on s'apperçoit qu'il nous manque un des deux anti-vols : la lourde chaîne. On l'a oubliée à Barfleur !... Léger énervement et petit moment de flottement. Nous visitons quand même sommairement les lieux - à vrai dire, juste une plage immense, aujourd'hui balayée par le vent qui nous souffle le sable dans les jambes et jusqu'au visage.

On repart, un peu grognons, parce qu'il reste encore une quinzaine de km dans des marais avant de rejoindre notre étape du soir, et que vraiment, ça commence à faire long ! Heureusement, cette fois-ci le vent est généralement dans notre dos, et c'est beaucoup plus acceptable comme ça. À proximité de Carentan, la véloroute fait quelques zibouibouis pour nous ramener dans une zone (un peu trop) civilisée : nous longeons une quatre voie avant de passer au-dessus, au niveau du pont-canal.
Enfin, le camping ! Il est du genre mobil-homes et campers... mais il fait malgré tout accueil vélo - sans toutefois offrir de bière aux randonneurs. À mes interrogations, on me répond que l'offre est réservée ici aux randonneurs qui louent un habitat léger - du genre la tente en dur à 50 balles la nuitée. Bravo... ici, ils récompensent ceux qui ne se foulent pas.
Malgré tout, il y a un autre cyclo à côté de nous : un jeune english en VTT. On commence par une bonne douche, et là, surprise, nous découvrons la « douche-big-brother-is-watching-you »... Avec un oeil qui fait penser à Al, l'ordinateur de l'Odyssée de l'espace... Un oeil qui clignotte en blanc pendant qu'on se change, et qui s'allume en vert quand on déclenche l'eau chaude avec la carte magnétique (consignée 10 €, la carte, ça ne rigole pas ici). Quand le temps imparti pour l'eau chaude tire à sa fin, la lumière passe au orange, puis vire au rouge et voilà : plus rien. Ici, on est écolo : économisons l'eau... Sauf qu'il suffit de repasser la carte devant l'oeil, et c'est reparti !
Après cette douche bien chaude, nous voici partis en ville. Nous trouvons rapidement le Carrefour market, mais pas grand chose attire notre oeil dedans, et nous n'avons pas le courage de pousser jusqu'au Lidl, situé bien plus loin hors du centre ville. Exceptionnellement, nous craquons sur une pizza à emportée. L'avantage, c'est qu'ils l'ont préparée très rapidement. L'inconvénient, c'est qu'elle était tout à fait quelconque - et c'est pour rester polis. Mais bon, du gras chaud après le vélo, ça fait toujours plaisir ! Le temps de retourner au camping, et dodo.
89 km en 6h30
260 m dénivelé positif