Vélodyssée - Marans pas marrant
Après un début de nuit mouvementé, nous avons dormi comme des souches - mais pas encore assez récupéré. Après un petit déjeuner face à la mer (quel luxe), nous sommes prêts pour le départ. La trace suit la côte dand Fouras et nous permet d'admirer quelques pontons de pêche, avec leurs cabanons et leurs filets au-dessus de l'eau qui rappellent les trabocchi italiens, puis le fort Vauban. Direction la pointe de la Fumée, où un petit port permet de rejoindre l'ile d'Aix - une autre fois peut-être ! Les indications vélos nous éloignent alors de l'océan - c'est trop bête : nous repiquons vers le boulevard de l'Océan, pour longer la plage nord de Fouras, puis nous suivons le sentier gravillonné dans la foulée : nous avons bien fait, la vue sur une bonne trentaine de cabanons de pêche sur pilotis vaut vraiment le détour.


Nous voici à nouveau sur de petites routes peu passantes. Un cyclo route fringuant bien que visiblement pas tout jeune (soyons francs, c'est souvent le cas des cyclo route), nous double : Antoine accélère et lui colle au train, et nous le suivons en file indienne quelques temps... mais voilà qu'il s'arrête bientôt ! En passant devant lui je lui dis que c'est bien dommage, il avait bien dopé notre moyenne ! Quelques minutes plus tard, le voilà qui se replace à notre niveau et commence à discuter. Monsieur a 73 ans et fait avec son club deux sorties par semaine de plus de 100 km. La sortie c'était hier, et aujourd'hui il fait son décrassage : il en profite au passage pour ramener des moules pour midi - en fait, il fait tout à vélo, même aller chez le coiffeur, du coup il roule environ 18.000 km par an... Sur-entraîné, son pouls bat à 37 le matin : quelle santé ! Sauf que son frère, qui est véto - et assurément il aurait fait un bon docteur ! - lui a fait la remarque que ses artères, elles, avaient bel et bien son âge... et que personne n'est immortel, même avec un coeur comme le sien. Il vient de Moulins dans l'Allier, mais s'est installé récemment à Châtelaillon - il y est resté presque toute l'année car il préfère être confiné à la mer ! Il note que nous ne portons pas de casques (nous nous contentons effectivement d'une casquette ! et surtout d'un gilet fluo pour être vus)... le sien lui a sauvé la vie l'an dernier : un coéquipier a doublé dans le pelotton, une voiture est arrivée en face, ça s'est mal passé... chute, traumatisme crânien. Mais c'est le casque qui a encaissé le plus gros du choc - il s'en sort bien.
Sur ce, il passe près d'Antoine, échange quelques mots, puis prend le lead, un peu plus rapidement que tout à l'heure : il nous emène avec lui ! Allez hop, on appuie un peu plus sur les pédales, et on accélère jusqu'à 25 km/h, on en a encore sous le pied (et sans même passer le 3e plateau) mais visiblement il ne souhaite pas faire plus - vu qu'il nous a annoncé sa vitesse moyenne, et que c'est le double de la nôtre... 30 km/h. Il passe un stop sans s'arrêter en nous criant « c'est bon ! » et on passe à sa suite, c'est rigolo on se croirait presque dans un peloton... mais malheureusement ça ne dure pas : une petite pancarte verte et blanche nous indique de tourner à gauche, et lui va tout droit : on se salue et on se quitte... Bonne continuation papi cycliste !
Notre piste longe le bord de mer au plus près, et commence par quelques tables où grignotter la pause du matin - la rando vélo, c'est vraiment un truc à manger tout le temps ! Devinez qui arrive alors ? Le couple Mr T-shirt bleu (qui maintenant est Mr T-shirt vert) et Mme T-shirt noir (elle doit en avoir plein de la même couleur)... Les montpeliérains nous disent avoir passé la nuit à Rochefort : ils terminent aujourd'hui à la Rochelle... alors c'est sûr, nous ne les verrons définitivement plus sur notre route : la dernière fois, ce sera pour les doubler quelques kilomètres plus loin à Châtelaillon.
Dans cette ville, nous faisons quelques courses, poursuivons la route en dépassant Angoulins, et nous arrêtons déjeuner au bout de la plage d'Aytré, plus très loin de la ville. Les immeubles commencent à encombrer le paysage, mais plus nous nous rapprochons et plus des efforts paysagers ont été faits pour rendre le parc traversé par la piste cyclable agréable à l'oeil - ça compense ! Nous passons devant les Minimes et son port de plaisance immense, puis l'entrée du Vieux Port.

Ici, c'est la ville, ça fourmille, et c'est rempli de vélos qui roulent dans tous les sens - ça double par la droite, ça zig zag entre les piétons... Mais 500 m plus loin nous sommes déjà repartis pour une piste toute droite le long d'un canal - et arrêtés par un monsieur qui me demande au moins 3 fois : « vous êtes d'ici ?! ... » Ben non, pourquoi, vous avez besoin d'aide ?... Pas du tout : il veut absolument nous envoyer découvrir un tunnel anti-char datant de la seconde guerre mondiale, qui serait situé sous les remblais de creusement du canal... ses explications ne sont pas très claires, il faudrait traverser sur une passerelle métalique, longer le canal par l'Est, suivre une piste à peine cyclable... La description du tunnel est aussi étonnante : 10 mètres de large à l'entrée, 10 cm à la fin, pas éclairé, un pavage mal joint et l'assurance de prendre des gouttes d'eau sur la tête ? Il insiste : bien peu sont les rochelais qui connaissent cet endroit... mais on peut lui faire confiance, nous ne sommes pas les premiers qu'il envoie là-bas !...
Un peu plus loin, vers Rompsay, nous traversons une passerelle métalique, mais la piste côté Est du canal est effectivement dédiée aux piétons - avec notre barda sur le vélo, nous n'avons pas vraiment envie de faire des extras de ce genre, d'autant qu'une dame nous lance direct, sur un ton sans appel « ce n'est certainement pas le chemin que vous cherchez ! » Et elle a sans doute raison ! En tout cas nous obtempérons : nous reprenons donc le tracé dédié aux cyclistes, côté ouest, et ça grimpe un peu : le canal est maintenant au moins 20 mètres en dessous ! Au bout de 5 km, il disparaît même dans le tunnel St Léonard... Nous prenons une petite pause pour découvrir l'endroit, puis continuons : le canal réapparaît. De la ville de Diompierre nous n'en verrons que les lotissements le longeant.

La suite est moins intéressante : la piste cyclable emprunte maintenant une route goudronnée défoncée, d'où nous n'apercevons même plus le canal pourtant juste à côté, et pour courronner le tout... il se met à pleuvoir et il faut rouler habillés en kway - c'est-à-dire, en sauna. Enfin, nous arrivons à Marans, notre étape du soir - elle est parcourue de plusieurs canaux, des bateaux sont amarés tout du long, et l'ambiance fait penser à Comacchio - en 1000 fois moins italien, et 1000 fois moins joli, mais c'est la même idée : une ville d'eau. Nous traversons tout et rejoignons la départementale qui doit nous amener au camping, voilà, nous y sommes, et pourtant ça a l'air fermé... deux simples feuilles A4 écrites au marqueur nous informent : « CHANGEMENT DE GÉRANCE » et « OUVERTURE LE 21 JUIN ». Sans déconner ?... Nous sommes fatigués, dégoulinants de pluie dans nos kway, et c'est fermé ? Antoine pose la bonne question « tu les avais appelés ?... » Difficile à dire, vu que je n'ai plus ma feuille de route initiale, mais j'aurais tendance à dire que oui, car de tout le secteur, le Camping municipal du Bois Dinot est le seul sur notre route... je ne m'imagine pas avoir négligé ce point - et à notre retour, confirmation : sur ma feuille était bien inscrit « ouvre le 15/05 ». Couac.
Nous nous approchons de l'accueil, une voiture est stationnée tout à côté, coffre ouvert avec vue sur toute une batterie de cuisine... les nouveaux gérants qui déménagent ? À l'intérieur, deux voix de femmes - je signale ma présence. Elles arrivent, et ne se démontent pas :
- ah bah oui dommage, hein, on est désolé mais c'est fermé. Vous pouvez aller à Dompierre...
- Non, on en vient !
- Ou alors à l'Ile-d'Elle, c'est le camping le plus proche !
- C'est où ?... Non, ce n'est pas sur notre route, cela ne nous intéresse pas. Il y a quoi d'autre ?
- ... ?
- Ils font la vélodyssée - c'est ça, vous faites la vélodyssée ?
- Oui. Il y a un autre camping plus loin ?
- Bah après c'est à St Michel en l'Herm sinon... mais c'est bien à 20 km.
- ... » Là, il n'y a plus grand chose à dire, il ne me reste qu'une grosse envie d'insulter ces gens. Je me contente de dire que leur camping c'est un service de merde, et j'appelle la mairie de Marans. Ah oui, effectivement, ils ont remarqué que depuis quelques jours des gens sont plantés par leur camping et se retrouve dans la merde - eh bien dans ce cas ils conseillent d'aller à l'Île-d'Elle... Alors puisqu'il n'y a pas de choix, c'est parti pour 7 km de rab le long des canaux (et non pas 5 km comme annoncé, car bizarement les gens minimisent toujours la distance quand il s'agit de nous envoyer quelque part). En fait, nous suivons un tracé de « la Vendée à Vélo », qui s'est offert un plan comm' vélo avec des panneaux à ses couleurs - non, le panneau normé officiel ça leur plaisait pas, il fallait qu'ils ajoutent partout qu'en Vendée on peut faire du vélo. Pfff. Du coup comme tout bon parcours vélo rando qui se respecte, le principe est simple : vous n'allez pas d'un point A à un point B, vous faites des détours pour aller du point A au point B... En le suivant, on s'offre une petite côte (c'est vrai qu'à ce moment de la journée on apprécie les défis sportifs) avec point de vue et un passage dans des champs (c'est vrai qu'à ce moment de la journée on adore les panoramas bucoliques), alors qu'il y avait plus plat et plus court... bref, nous arrivons au Camping Le petit booth avec une humeur assez carabinée. Seule bonne nouvelle, la pluie a cessé.
Le gérant ici a de l'humour - pas le mien, certes, et avec moi ses blagues tombent un peu à plat, mais il essaie de nous dérider, et en soi c'est déjà bien. On apprend qu'on n'est pas les seuls à s'être cassés le nez à Marans : hier, ici c'était plein de vélos qui ont fait du rab comme nous, ce soir il y en a deux autres en plus de nous, et même des gens qui avaient une résa (ah ah ! ils étaient donc bien annoncés ouverts auparavant !) de mobil homes se sont faits décommandés la veille au soir et se sont ramenés ici même sans tente sans rien pour dormir, vu qu'ils n'avaient pas pu prévoir en cours de route... la fête. « Ouais, je sais pas ce qu'ils font à Marans. Ils disent toujours qu'ils ouvrent le 21 ?... »
En attendant, on fait les formalités. On nous propose même une formule spéciale pour itinérants, avec dîner et petit déjeuner... sauf qu'on a déjà tout prévu, alors on décline - on ne prend que l'emplacement. On plante la tente, on recharge le téléphone, et on papotte avec nos voisins. À côté de nous, un papi du vélo regarde une carte papier de la région - il roule à l'ancienne : il suit le réseau secondaire, et à 78 ans il abat jusqu'à 150 km par jour... Il a planifié un énorme tour pour aller voir ses 4 gamin.e.s installé.e.s aux quatre coins de la France et même des amis en Belgique ! Sa compagne ne l'accompagne pas cette fois-ci, mais il lui dicte chaque soir un petit texte par téléphone pour qu'elle mette à jour son blog - comme ça, ceux qui vont le recevoir peuvent le suivre au jour le jour... De l'autre côté de la haie, l'autre cycliste est un (ancien ?) skipper, il vient de Lorient et revient de chez des amis à La Rochelle. Quant au stagiaire qui tient l'accueil, c'est un jeune d'origine portugaise en BTS tourisme - comme aujourd'hui je roule en T-shirt de l'équipe nationale portugaise de foot (millésime 2010 d'après lui), le contact se fait rapidement. Il maîtrise déjà le portugais, l'anglais, l'espagnol et le français, et il prévoit encore d'apprendre le russe, le japonnais et l'islandais - rien que ça ! - pour pouvoir exercer son métier dans tous ces pays dont la culture le passionne. Le gamin a le talent et la niaque !
Le temps de manger au sec, boire quelques bières, et se promener dans le village, que la pluie reprend... retour au camping au pas de course pour retirer le linge qui avait été mis à sécher - ou à mouiller ? - sur la corde... et hop, on plonge dans Hubba. Et là, c'est la saucée, la vraie : ça tombe des cordes, ça drache, ça ne s'arrête plus, les gouttes font un boucan du diable sur la toile de tente, on commence à se demander sérieusement si l'imperméabilité de Hubba (considérée sous nos latitudes comme toute relative) ne va pas nous lâcher... Heureusement, vers minuit ça finit par se calmer, et nous ne baignons toujours pas dans la flotte - le plus dur est passé. Dodo.
Les stats !
> Étape Fouras - Marans / Ile d'Elle
> À vélo : 85 km en 5h36 (soit 15,2 km/h)
> Camping le petit booth
> On aime : le stagiaire portugais trop cool, l'excellent accueil vélo, la table de pique nique dans le camping, le bar du camping, le PQ
> On regrette : pas de haies entre les emplacements
















